
La représentation de l’état du monde passe bien souvent par la forme de la destruction pour les artistes aujourd’hui. C’est un monde étrange que ce « monde posthume » (Marina Garcés), médiatisé notamment par les collapsologues et par les éco-activistes : un monde aux ressources épuisées, dans les ruines desquelles nous devons déjà (c’est-à-dire : maintenant, pas demain) apprendre à vivre dans des équilibres précaires avec les vies que le Capitalocène n’a pas encore éradiquées.
Des questions se posent, qu’il n’est certes pas toujours facile de poser dans le contexte des meurtres incessants de vivant·e·s humain·e·s et non humain·e·s. Quelles formes de joie peut-on inventer au coeur de la destruction ? Quelles nouvelles sensibilités, vivantes et collectives, pouvons-nous imaginer malgré ou au sein des effondrements annoncés ?
Quelles pratiques nous permettront de célébrer à la fois les mort·e·s et les vivant·e·s à venir ? Certaines pratiques artistiques et activistes contemporaines proposent de mettre au coeur du débat public ces questions éthiques et écologiques liées à la destruction – au risque parfois du green washing –, au risque aussi du défaitisme et l’alarmisme incapacitant.
Ce sont à ces arts contemporains de la destruction/reconstruction que nous voudrions demander : Comment penser, représenter, voire pratiquer des formes de destructions mobilisantes ? Quelles puissances, quelles créations, quels mondes sont possibles dans la destruction ?
En croisant les paroles d’artistes, chercheur·euse·s, témoins et activistes, nous nous attacherons, dans ces deux journées d’étude, à distinguer ce qui fait phénomène de ce qui fait mode. Il s’agira d’interroger notre présent comme un moment de dessaisissement productif, pour comprendre ce paradoxe fécond qui consiste à trouver une libération dans la destruction. Le premier jour « destruction et résurgence », il s’agira à la fois d’examiner les stratégies artistiques au service du constat des bouleversements écologiques mondiaux et de pister les pratiques de réparation, les utopies concrètes qui s’inventent dans les ruines ou à la périphérie du capitalisme mondial intégré. Le deuxième jour « arts auto-destructeurs et vandales », nous élargirons le domaine de la destruction aux reprises contemporaines des pratiques de désacralisation, de défiguration iconoclaste voire de tables rases chères aux modernités artistiques, pour examiner ce qui, dans les arts contemporains, peut nous apprendre à sentir/penser la vie au sein de la destruction.