Antoine Volodine, Retour au goudron

Rencontre avec l’auteur

Après une résidence « virtuelle » en 2020, Antoine Volodine revient à Marseille pour présenter le numéro 100 exceptionnel de la revue de La Marelle, La première chose que je peux vous dire.

Antoine Volodine a témoigné de cette résidence à distance du 3 au 12 novembre 2020 dans un mail adressé à La Marelle et au Frac.

« […] J’aurais dû me rendre à Marseille tout début novembre pour une quatrième semaine de résidence au Frac. Quatrième semaine ! Annulée une fois de plus ! Cette fameuse résidence a été totalement virtuelle depuis le début… Bien évidemment, nous pourrions nous mettre d’accord pour la repousser encore, en attendant des jours sans Covid19 qui ne viennent pas. Pendant toutes ces semaines marseillaises-non-marseillaises, je me suis obligé (avec plaisir) à effectuer le travail que j’aurais accompli dans le beau et tranquille studio du Frac. J’ai très bien et bellement travaillé, et je vais reprendre cela la semaine prochaine. Certes, sans profiter de mon contact avec les œuvres, les collections, la bibliothèque et les conservatrices du musée. Mais en reproduisant chez moi les moments de solitude et de concentration sur un programme que je m’étais fixé à l’automne 2019, l’immense chantier que représentent les 343 brochures bardiques par lesquelles se clora l’édifice post-exotique (Retour au goudron, le 49e titre). Je vous propose donc la manœuvre suivante : considérer que la résidence a eu lieu, qu’elle a été menée à terme. Je pourrais ainsi présenter à Marseille, à une date qui reste à définir, mais qui pourrait correspondre à une passation de flambeau comme cela avait eu lieu entre Jakuta [Alikavazovic] et moi, un compte-rendu de mon travail. J’aurais beaucoup à dire… et ce serait très plaisant pour tout le monde, je crois. »

Voici cette date, enfin réelle, arrivée !

Retour au goudron sera constitué d’un ensemble de cahiers bardiques, 343 précisément, qui obéiront à une même structure, avec des rubriques régulières. On y trouvera systématiquement : – un titre, avec des auteurs le plus souvent fantaisistes, toujours lié à une réflexion farfelue sur le Livre des morts tibétain, le voyage dans le Bardo et les difficultés d’adaptation des défunts dans l’espace noir. En dernière page figurera une liste « du même auteur » ou « des mêmes auteurs » – des « brèves de dortoir », bref récits de rêves collectés au saut du lit, livrés bruts, sans commentaires ni embellissements. – des photos d’un lieu désormais fantôme : le « port intérieur » de Macau au temps où il n’avait pas encore été détruit – une part importante de textes en prose, bien souvent gouvernés par le nombre d’or du post-exotisme, 7, ainsi que par ses multiples 49 et 343.

Il s’agit d’un corpus énorme. Il existera vraisemblablement sous forme de « Livraisons » qui regrouperont les fictions selon leur thématique, leur humeur ou leur style. On peut feuilleter ici deux prototypes de cahiers bardiques dont La Marelle et le Frac auront permis la naissance.

Infernus Iohannes est une signature qui regroupe en son entier la communauté des écrivains post-exotiques, qu’ils aient été publiés, comme Lutz Bassmann, Manuela Draeger, Elli Kronauer, Antoine Volodine, ou qu’ils soient restés dans l’ombre des murs de leur prison. À la fin du parcours éditorial du post-exotisme, il est donc normal que cesse la désignation trop personnalisée d’auteur qui apparaissait en couverture de nos livres. Notre voix est collective et, pour le quarante-neuvième et dernier titre de notre performance, pour ce Retour au goudron, nos porte-paroles s’effacent. Retour au goudron est signé par près d’une centaine d’auteurs, hommes et femmes.

Au cours d’une résidence au Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur, à Marseille, a été initié le chantier considérable de cette œuvre, qui reste bien sûr, et pour longtemps, un work in progress.

Un partenariat Frac / La Marelle. Depuis juin 2015, le Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur et La Marelle, mènent ainsi des collaborations régulières : résidences d’auteurs et d’autrices au Frac, Bibliothèques Éphémères, Nuits de la Lecture, visites insolites…

Avec le parrainage de Jakuta Alikavazovic, ce furent au tour d’Antoine Volodine et de Pierre Ducrozet de se poser ensuite au Frac, à Marseille, pour s’imprégner de ses espaces, de son architecture et de ses œuvres.