Découvrez la liste des ouvrages en consultation au 3e plateau (actuellement sur rdv) :
Honoré Balzac, Théorie de la démarche, Mille et Une Nuits, 2015 [1833]
« N’est-il pas réellement bien extraordinaire de voir que, depuis le temps où l’homme marche, personne ne se soit demandé pourquoi il marche, comment il marche, s’il marche, s’il peut mieux marcher, ce qu’il fait en marchant, s’il n’y aurait pas moyen d’imposer, de changer, d’analyser sa marche. »
Fernand Deligny, Cartes et Lignes d’erre, L’Arachnéen, 2013
Il aura fallu près de 50 ans pour que ce penseur hors
norme soit enfin reconnu par la communauté ar tistique.
Objets de fréquents contresens, ses « lignes d’erre »
n’en sont pas moins fraîches comme au premier jour. Elles
nous aident à faire les comptes avec ce qui nous résiste.
Francesco Careri, Walkscapes, Babel, 2020
Ou comment renouveler un sujet qui semblait éculé. Walkscapes, Errare humanum est, que de trouvailles ! Le livre est à la hauteur du très beau tondo bleu vif, Planisfero Roma, joyau des collections du Frac.
Rodolphe Toepffer, Voyages en zigzag, Babelio, 1999
Un formidable marcheur, un pédagogue libre dans la Suisse compassée du XIXe siècle. Un inventeur de formes, surtout – en l’occurrence, la bande dessinée, née dans la sueur et la joie de s promenades à flanc de montagne.
Georges Perec, Espèces d’espaces, éditions Galilée, 2000, et Italo Calvino les Villes invisibles, Seuil, 1984
Je les cite ensemble car ils constituent un couple-pivot : je les ai rangés côte à côte sur la même étagère de ma bibliothèque. Une sorte de Roux-Combaluzier sorti de
l’ascenseur pour escalader les étages de nos villes. Espèces d’espaces et les Villes invisibles ne sont pas des livres, ce sont des clés d’accès à nos propres espaces mentaux.
Cartes et figures de la terre, éditions du centre Pompidou, 1980
Bien avant Mapping au MoMa (Museum of Modern Art, New York, 1994), l’exposition de Beaubourg arracha la cartographie à l’archive et à l’histoire pour l’installer au cœur des réflexions contemporaines. Le catalogue new-yorkais est une brochure de 60 pages, celui de Paris un Ovni éditorial qui en compte 479. Un livre qui serait aujourd’hui impossible, touffu, dépourvu d’index et même de sommaire, mais jubilatoire. Une archéologie de nos préoccupations et de nos outils.
John Brinckerhoff Jackson, De la nécessité des ruines et autres sujets, Paris, éditions du Linteau, 2005
Ce que les U.S.A. ont de meilleur : une voix et une voie, capables de réhabiliter l’automobile avant l’heure, d’admirer « le chemin de l’étranger » tapi en chaque ville. Prise de conscience de la lente stratification d’un paysage civil par un jeune soldat du renseignement américain qui découvre la Normandie lors du Débarquement.
Cheminements in revue « Les Carnets du paysage », n° 11, Actes Sud / École nationale supérieure du paysage, 2004
Deux fois par an se tissent un peu plus la chaîne et la trame d’une culture du paysage : longue histoire commune du texte et du textile. Le numéro « Cheminements » a introduit en France la notion d’hodologie, science de la promenade, des voies et des chemins.
William Kentridge, Triumphs and Laments, Walther Köning, 2017
Procession hallucinée de formes romaines, de l’Empire à Pasolini, découpées dans la crasse des quais du Tibre.
Frank Perry et Sydney Pollack, The Swimmer (DVD), 1968
Qui n’a pas vu Burt Lancaster en maillot de bain d’un bout à l’autre de ce film n’a rien vu : la traversée des piscines à travers les banlieues chic du Connecticut devient ici une forme renouvelée de marche mélancolique. La meilleure adaptation cinématographique (involontaire) de la Recherche du temps perdu ...
Franklin Christenson Ware, Jimmy Corrigan /
Building stories, Delcourt, 2002 / 2014
Les aventures du « gamin le plus intelligent du monde », mais surtout le génie d’un artiste qui dynamite les codes de la BD en relisant nos pratiques de la ville. Une héroïne unijambiste et dépressive à laquelle rien n’arrive. Comment ne pas songer à la Recherche ? Proust encore ? Oui : il n’est pas dans cette liste car son ombre plane partout.
Bibliothèque post-proustienne : entre le côté de chez Swann et celui de Guermante s’il faut choisir sa promenade.
Et dans tous les cas, après Proust, on ne peut plus écrire (ni lire, d’ailleurs) comme avant.
W.G. Sebald, les Émigrants, Gallimard, 2003
Ne cherchez pas d’intrigue : concentrez-vous sur un ton, une couleur ou une gamme de demi-teintes. Sebald écrit en gris-sépia-bistre. Grandeur de ces textes très tôt classiques, qu’on peut ouvrir à n’importe quelle page. À peine y a-t-on trempé l’oeil que la température est prise. Cette petite musique suspendue entre les langues et les mémoire, c’est lui.
Albrecht Koschorke, Histoire de l’horizon (non traduit), Suhrkamp, Francfort, 1990
Il y a, dans toute bibliothèque , des ouvrages qu’on n’a pas encore lus. Parfois aussi un titre qu’on ne pourra pas lire. Celui-ci est rédigé en allemand, langue que je ne connais pas. Je le sens important : tant qu’il ne sera pas traduit, je conserverai ce texte, inaccessible comme l’horizon qui fuit devant le voyageur.
Guillaume Monsaingeon, les Voyages de Vauban, Parenthèses, 2007
Citer ses propres livres, ça ne se fait pas. Pourtant, on apprend beaucoup en les écrivant. Ensuite on les oublie, et on les relit comme s’ils avaient été rédigés par autrui. Vauban ne marchait pas, il courait le royaume en voiture à cheval – cette fameuse « basterne » qu’il aurait conçue comme une sorte de bureau ambulant. Occupé à bâtir des frontières militaires, il a fabriqué un espace civil grâce à ses
innombrables déplacements.
Rem Koolhaas, New York délire, Parenthèses, 2002
On croise rarement des livres aussi improbables : un mélange d’intuitions fulgurantes et d’érudition tatillonne, un livre de fiction et d’histoire, un ouvrage qui crée à lui seul le genre littéraire du « manifeste rétroactif ».
Pétrarque, l’Ascension du mont Ventoux, Mille et Une Nuits, 2001
Ce texte signe-t-il vraiment l’invention occidentale du paysage ? Arrivé au sommet, Pétrarque cherche l’Italie, regarde à peine autour de lui et sort son livre fétiche, les
Confessions de Saint Augustin. Il l’ouvre au hasard, y trouve la dénonciation de ceux qui se dispersent à courir le monde : il referme le bouquin, descend en courant et dicte une lettre à un ami. C’est le récit de la fameuse ascension, peut-être fantasmée. Plutôt plus qu’une invention du paysage, c’est l’émergence d’une activité promise à un bel avenir : le marchécrire.
Glenn Gould, Écrits, Robert Laffont, coll. Bouquins, 2020
La révélation de Glenn Gould pianiste s’est pour moi doublée d’une autre leçon : un interprète qui pense et qui écrit ! Avant Raphaël ou Kandinsky, Gould m’a appris que nombre d’artistes sont de grands écrivains.
John Donne, Méditations en temps de crise, Rivages, 2002
Ce contemporain de Shakespeare est connu pour un demivers : « Nul homme n’est une île ». Sa poésie enflammée est plus riche que cela. Elle est traversée par les soubresauts d’un siècle de découvertes et d’exploration : « Mes médecins par
amour se sont faits / Géographes, et moi leur mappemonde / Qui s’étale sur cette couche... »
Saul Bass, génériques de Casino (Martin Scorsese) et North by norwest (la Mort aux trousses, Alfred Hitchcock)
Jennifer Bass et Pat Kirkham, Saul Bass, A Life in Film and Design, Laurence King Publishers, 2011
Investir les marges, programme artistique par excellence ! Saul Bass a inventé le générique vecteur d’émotions. Avant même la fiction qu’il introduit, il est à la fois hors du film, avec un style à lui, et au coeur du film dont il prélève un motif, une image ou une forme : c’est à cela que l’on reconnaît les grands.
Hergé, On a marché sur la lune, Casterman, [1954]
Légende ou réalité, on prête à Hergé (On a marché sur la lune, 1954) et Kubrick (2001 l’Odyssée de l’espace, 1968) d’avoir tous deux forgé l’imaginaire des ingénieurs de la Nasa. La trace du pied d’Armstrong sur le sol lunaire, aussi célèbre que notre « bille bleue » terrestre vue depuis la lune, sans doute le pas le plus coûteux de l’histoire...
Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle, Cerf, coll. Passages, 2006
Difficile de choisir une oeuvre chez cet auteur prolifique. On a souvent l’impression que Benjamin veille par-dessus notre épaule, prêt à compléter ses livres à jamais inachevés. Livres traduits en désordre, pensée éparpillée entre les rayons d’une bibliothèque inclassable.