Özlem Sulak

Les livres-témoins

“Ma première pensée fut : ‘Que faire ? A la maison il y avait des publications interdites. Comment s’en débarrasser ? Qu’est ce que je dois faire ? Vous savez, finalement on lâche ses livres. Tout ce qui compte c’est de faire disparaître au moins les écrits interdits’.”
Extrait de la vidéo 12 septembre, 2009

Cette exposition est le deuxième volet du projet de l’artiste d’origine turque Özlem Sulak, Version originale non sous-titrée, que le lieu de création La compagnie présente dans ses locaux jusqu’au 7 septembre.

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Comment les livres sont-ils les témoins de l’histoire ? Au moment du coup d’État de 1980 en Turquie, trente-neuf tonnes de livres ont été brûlés. Et ceux qui possédaient des livres censurés ont été arrêtés, emprisonnés, torturés. L’installation September 12, présentée à La compagnie, comporte déjà des témoignages de cette histoire. Que font alors ces mains dans les deux écrans vidéo de Verborgene Buecher (Les Livres cachés, 2010) ? Cette chorégraphie muette, strictement synchrone (mais pourquoi faut-il que cela soit réglé de la sorte sinon pour que l’instant fugace soit plus tranchant ?), renvoie à un rituel familier, celui qui consiste à protéger des livres en les recouvrant de papier. Nous avons fait cela dans notre enfance.

Mais dans le silence qui rayonne aussi mystérieusement dans cette proposition, dans l’horizontalité de ces tables et du cadrage, un mouvement solennel se fait entendre, garde quelque chose d’opaque que l’image ne dit pas mais indique en tous ces points : le livre recouvert disparaît mais est d’autant plus présent dans notre mémoire. L’horizontalité de la loi passe par le regard, et uniquement par lui. Nous sommes fixés par ce qui nous regarde ainsi, par ce qui semble un tribunal muet et implacable où est convoquée cette dimension si essentielle et si mystérieuse, d’une politique qui ne peut avoir lieu que dans l’intériorité, en nous.

160,5 kg (2011-2013) est une œuvre dans laquelle Özlem Sulak collectionne au fur et à mesure qu’elle les trouve les livres qui ont été censurés en Turquie pendant le coup d’État. Le titre est le poids de l’ensemble des livres qu’elle a rassemblés. Le titre change donc au fur et à mesure que cette collection s’agrandit. La proposition condense une grande force conceptuelle et toute la masse corporelle, physique de ces livres, où la violence symbolique éclate invisiblement, secrètement. Une question redoutable se greffe autour de ces objets : pourquoi ce livre est-il censuré, frappé d’un tel coup ? D’un livre à l’autre, la liberté du regard, de la pensée, la puissance de ce grand rassemblement intellectuel et poétique, défie l’ordre policier et son surplomb arbitraire.

  • Frac - le 3e plateau

    20 Boulevard de Dunkerque

    13002 Marseille

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Communiqué de presse

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